Pendre la crémaillère

Pendre la crémaillère : fêter son installation dans un nouveau logement.
Quand on vient de s’installer dans un nouveau logement, on invite ses amis à pendre la crémaillère. C’est un moment convivial et une occasion de faire découvrir son nouveau chez-soi aux invités. L’expression est attestée dans le Dictionnaire de l’Académie (1694), signifiant « qu’on ira se réjouir, et faire bonne chère » chez celui qui change de logis. On a oublié qu’il s’agit d’un acte symbolique d’appropriation, initialement lié au feu, symbole du foyer.
Support garni de crans, la crémaillère permet d’ajuster la hauteur d’un objet en fonction de l’usage souhaité. On l’utilise aujourd’hui pour varier la hauteur des rayonnages d’une bibliothèque. Le mot remonte au grec tardif kremastêr qui signifiait « qui suspend » et désignait certains muscles (le crémaster est le muscle suspenseur du scrotum) et une perche où l’on accrochait des grappes.
À l’époque où l’on faisait mijoter soupes et ragoûts dans l’âtre, la crémaillère était cette tige de fer crantée, ou cette chaîne, accrochée au mur et comportant un bout recourbé auquel on suspendait la marmite. Les crans permettaient d’ajuster la hauteur du récipient et donc la puissance de la flamme. Pendre la crémaillère, l’accrocher dans la cheminée de manière à pouvoir cuisiner dans sa maison, était le signe qu’on y habitait et marquait l’appropriation du lieu comme espace de vie. La dimension symbolique de l’opération a conduit à l’accompagner d’un moment festif. Cette tradition perdure, même si marmites et crémaillères font aujourd’hui le bonheur des brocanteurs.
Cette symbolique du feu se retrouve dans l’équivalent anglais housewarming party, littéralement « fête de chauffage de maison » : au cours de cette party, chaque invité apportait traditionnellement un peu de bois pour allumer le premier feu. Le réchauffement de la maison comme la pendaison de crémaillère ont conservé de leurs origines la chaleur qui caractérise les fêtes réussies.
« Georges Zarnitzine pendait la crémaillère, dans son nouvel appartement de quatre pièces… […] tant d’invités que les quatre pièces les contiennent à peine. »
Zoé Oldenbourg, La Joie-Souffrance, 1980.
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